Propos de Karl Valentin
Bertolt Brecht : à propos de Karl Valentin
Lorsque Karl Valentin, dans le vacarme d'une quelconque brasserie-restaurant, s'avançait mortellement sérieux parmi les bruits incertains des dessous-de-verre, des chanteuses et des pieds de chaises, on avait immédiatement le sentiment aigu que cet homme ne venait pas faire des plaisanteries. Il était lui-même une plaisanterie vivante.
Une plaisanterie tout à fait compliquée, avec laquelle on ne plaisante pas. Il est d'un comique entièrement sec, intérieur, au spectacle duquel on peut continuer à boire et à fumer, et qui vous secoue perpétuellement d'un rire intérieur, lequel n'a rien de particulièrement débonnaire.
Car il s'agit de l'inertie de la matière, et des jouissances les plus fines qu'il est parfaitement possible d'en retirer. On vous montre ici l'insuffisance de toutes choses, y compris nous-mêmes, quand cet homme, l'une des figures intellectuelles les plus pénétrantes de l'époque, présente aux simples, en chair et en os, les connexions entre placidité, sottise et plaisir de vivre, la vieille bête rit et se le tient pour dit au plus profond d'elle-même.