Une comédie de Hans Magnus Enzenserberger

Enzenserberger nous lance sur des pistes, traces, mémoires… Réalité ? Fiction ? Interrogation sur l’illusion du monde ? Qu’est-ce qui subsiste vraiment ? Les révolutions ? ...bof ! Le langage de l’art ! Ironie des choses : l’objet n’est jamais innocent. On croit savoir, on croit connaître et surgit l’iceberg et on n’y comprend plus rien. Les choses ont trouvé le moyen d’échapper à la dialectique des sens : naufrage. C’est notre siècle qui coule. Notre histoire prend l’eau. Reste les petites bouteilles à la mer, hasard qui tient à peu de choses. L’homme qui pense son objet qui lui échappe au loin.

« 23h40 à bord : l’acier de la cuirasse est éventré sur 200 m. fendu par un incroyable couteau. L’eau s’engouffre dans les cloisons étanches. Longeant la coque illuminée, surplombant de 30 m. la surface des eaux. Noir et silencieux, l’iceberg glisse lentement et se perd dans l’obscurité. »

C'est alors qu'apparaitssent l'écrivain désillusionné à la recherche de son poème oublié, la Mémoire en déroute qui perd ses cheveux, puis le couple de naufragés qui est en train de couler. Ils nous jouent leur comédie en forme d'entonnoir, alors que sous nos pieds se forme peu à peu une flaque. Seule se dresse encore la carcasse du bateau. «Par quoi commence-t-on quand on veut peindre la fin du monde? Les incendies, les îles au loin emportées, les éclairs, l'écroulement bizarre et progressif des murs, des créneaux et des tours … » 

Naufrage du Titanic ? Odyssée du poète lui-même perdu au milieu du chemin de la vie ? Message prophétique, d'une fin des temps ?

Il semble que notre siècle ait franchi un point spécifique mystèrieux, d’où il soit impossible de régresser, de décélérer, de ralentir. Enzensberger en mettant en parallèle 3 naufrages inhérents à notre siècle : Berlin – Cuba – le Titanc, nous lance un cri d’espoir, le dernier qu’on puisse avoir, le plus désespéré aussi : celui d’homme libre sur une planche pourrie en train de couler sur un océan calme.